mercredi 4 octobre 2017

Urgent : la transformation numérique est à nos portes

Le terme « transformation numérique » n’est plus qu’un simple buzzword. Il devient de jour en jour un sujet de plus en plus chaud et il devient même brûlant. Les entreprises, après avoir longuement discourues sur le sujet, commencent à rentrer dans le cœur du sujet et découvrent toute sa complexité.
Nous avons déjà évoqué sur ce blog ce thème depuis deux ans dans deux posts. Le premier en septembre 2015 : « Quelques réflexions à propos de la transformation numérique » (Pour lire ce texte cliquez ici) Nous avons poussé l’analyse dans un deuxième post en septembre 2016 : « Les stratégies de transformation numérique gagnantes » (Pour lire ce texte cliquez ici ).
Mais, pour l’instant, il faut bien l’admettre, les réalisations opérationnelles rencontrant un large succès sont encore assez rares. On a beau chercher on ne trouve aucune entreprise française parmi le classement des entreprises leader du numérique. On cherche encore les Amazon, les Facebook et les Google français.
Aujourd’hui on commence d’entrer dans le « gras du sujet » et un certain nombre de problèmes jusque-là ignorés surgissent. Ce troisième post a pour objectif de mieux les cerner et de suggérer des solutions possibles.

La transformation numérique n’est pas qu’un buzzword

Le terme « transformation numérique » tend à être mis à toutes les sauces : Big Data, IoT, IA, Robot, VR, Cloud, ... C’est mode. Mais au-delà des termes il faut voir que c’est, en fait, une nouvelle vague de l’informatique. Après avoir connu l’ère des mainframes, dans les années soixante soixante-dix, puis le déferlement des PC, dans les années quatre-vingt, qui a ensuite été amplifié par Internet, dans les années quatre-vingt-dix, et plus récemment, à partir de 2007 avec l’apparition des smartphones on arrive à un cinquième stade qui est celui du développement de nouveaux produits et de nouveaux services basés sur la conjonction de l’informatique et des télécommunications.
Chaque vague de l’informatique s’est traduite par l’apparition d’un certain nombre de nouvelles applications :
1.     Les mainframes ont permis de traiter la facturation, la paie, la comptabilité clients et la comptabilité générale, la gestion des stocks, …
2.     Les micro-ordinateurs sont développés grâce aux tableurs, au traitement de texte, les logiciels de présentation de diapositives, les tableaux de bords, …
3.     Internet a permis l’apparition et le développement très rapide du Web, des mails, le commerce électronique, ….
4.     Les smartphones et les tablettes ont permis le développement des usages qui s’est traduit par de nouvelles applications. On assiste même à une explosion du nombre et de la variété des applications. Pour s’en assurer il suffit de consulter le contenu des app store. Ainsi Google Play propose 2,7 millions d’applications, App Store dispose de 2,2 millions d’applications, Windows Store offre 700.000 applications, …. Au-delà du nombre on ne peut qu’être impressionné par leur variété.
Cette explosion du nombre des applications a un impact direct sur les entreprises et les administrations. Ils agissent de deux manières différentes :
-       Une multiplication des offres de services ou de produits,
-       Un changement radical dans les process de création, de production et de distribution des produits et des services.
Comme on le voit, c’est une mutation profonde, signe indiscutable d’un changement radical de l’organisation et du fonctionnement des entreprises. Il est évident qu’elles entrent dans un nouveau monde. Et c’est bien le problème posé par la transformation numérique.

Un vrai sujet

Les entreprises et les administrations sont donc face à une mutation de grande ampleur qui va modifier en profondeur leur stratégie, leur organisation, leurs procédures, les compétences mises en œuvre et les savoirs faires nécessaires pour les mettre en œuvre, …. C’est un profond bouleversement. Certain parlent même de révolution.
Mais tout ceci. Cela fait plusieurs années que les observateurs attentifs voient cette révolution arriver. Elle est, en grande partie due aux progrès technologiques notamment en matière de micro-électronique et de télécommunication. Elle a permis de créer des systèmes d’exploitation, des environnements de développement (SDK : Software Development Kit), des protocoles de communication, des bases de données, …. de plus en plus puissants, capables de supporter des applications de plus en plus sophistiquées.
Ce qui est nouveau, c’est la réaction des entreprises à ces changements. C’est la grande peur de l’Uberisation ([1]), c’est-à-dire la crainte de voir subitement disparaître le marché traditionnel de l’entreprise. Le terme exact décrivant ce phénomène est celui de la disruption ([2]). Pour Jean-Marie Dru "L’innovation disruptive est une innovation de rupture, par opposition à l’innovation incrémentale, qui se contente d’optimiser l’existant ". Elle peut être faite par une start-up mais elle est plus souvent faite par une grande entreprise comme IBM qui a réalisé le PC, Apple avec le Smartphone, SpaceX avec la récupération du 1er étage de la fusée Falcon, Tesla avec le pilotage automatique du modèle S ([3]), ….
Ceci dit la disruption n’est pas une nouveauté. Il y a 250 ans elle était déjà au cœur de la Révolution Industrielle avec l’invention par James Watt de la machine à vapeur, John Kay avec la navette volante,  Richard Arkwright avec la « water-frame », première machine à filer,  Edmund Cartwright, invente le métier à tisser mécanique, Abraham Darby avec l’idée de faire de la fonte avec du coke, George Stephenson avec la locomotive, …. Ce sont toutes des innovations qui rendent rapidement obsolètes toutes les solutions antérieures. 
Les dirigeants des grandes et des moyennes entreprises ont très vite compris que celles-ci risquaient d’être toutes uberisées et de disparaître. En quelques mois la plupart des entreprises se sont dotées de CDO, Chief Digital Officer, chargés d’assurer leur transformation numérique. Mais on constate que d’une entreprise à l’autre leur mission est très variable. Certains s’occupent de Big Data, d’autres imaginent de nouveaux services, pendant que d’autres font de l’évangélisation, …

Trois questions clés

Comme nous l’avons vu dans le post : « Quelques réflexions à propos de la transformation numérique » cette dernière pose aux directions des entreprises trois problèmes de fond (Pour lire ce texte cliquez ici ) :
·       Est-ce que l’entreprise a la capacité de saisir les opportunités rendues possibles par la technologie ? Si on analyse les opérations de ce type lancées par les entreprises du CAC 40 on s’aperçoit que moins de 10 ([4]) ont lancé des opérations de transformation numériques qui fonctionnent réellement et donnent effectivement des résultats. De plus, à ce jour aucune entreprise de grande taille n'a annoncé un succès indiscutable et visible dans le domaine du numérique. Quant aux trois - quart des autres entreprises ils parlent ou annoncent des plans très ambitieux mais il y a peu de chance qu’ils les réalisent.
·       Dispose t’on dans les entreprises les compétences nécessaires pour mettre en œuvre les solutions numériques ? Quels sont les savoirs et les savoirs faires nécessaires ? Où le les trouver ? L’inculture informatique de la majorité des décideurs (pour ne pas dire de la quasi-totalité) est un vrai problème. Nous constations dans un précédant post que : « n'ayant pas les concepts de base de l'informatique et des systèmes d'information ils ne peuvent que rester dubitatif devant tous ces changements. Le flou des responsabilités en matière de transformation numérique » est un autre problème. « Qui doit avoir l’initiative de lancer de nouveaux produits ou de nouveaux services ? Dans ce contexte dominé par l'ignorance comment peut-on envisager de développer les idées qui feront le chiffre d'affaires de demain. »
·       Quel est le rôle des informaticiens dans le cadre des transformations numériques ? Nous constations dans le même post que : « curieusement on voit peu d'informaticiens dans le cadre des opérations de transformation numérique. Quel rôle leur est dévolu ? L'informatique serait-elle une chose trop sérieuse pour la confier aux seuls informaticiens ? Il faut être raisonnable, peut-on sérieusement faire de l'informatique sans informaticien ? A l'inverse on peut s'interroger sur la capacité des DSI à prendre en charge des opérations de transformation numérique ? »
Ces trois questions méritent quelques réflexions.

Les opportunités ne se présentent pas deux fois

Chaque année de nombreuses opportunités se présentent. Elles sont, en grande partie, dues aux progrès de la technologie et des environnements de développement informatique. Elles permettent de créer de nouvelles applications très différentes de toutes celles qui existent. Ce peuvent être de nouveaux produits comme le smartphone, les véhicules autonomes, le management de la climatisation à distance et la sécurité, les compteurs intelligents, …. ([5]) Ces opportunités peuvent être des logiciels comme les systèmes d’exploitation tel qu’Android, les bases de données, les jeux électroniques, … Mais surtout on assiste au développement de nombreux nouveaux services comme le Cloud, la maintenance des équipements à distance (comme Predix de GE), le monitoring des malades, le management d’installations à distance, le diagnostic à distance des véhicules, … Cette liste est incomplète et évolue en permanence.
Ces innovations se traduisent par l’apparition de nouveaux « business model » basés sur ces nouvelles applications. Dans le passé cela a été le cas d’Amazon, de Google, de Skype, de Facebook, d’Airbnb, d’Uber, …. Tous les ans, parmi les centaines et les milliers de start-ups apparaissant on constate l’apparition de quelques nouveaux « business model » différents. On constate que peu de grandes entreprises traditionnelles ont jusqu’à ce jour réussi à changer profondément de modèle économique. Parmi les plus grandes entreprises mondiales ([6]) on constate qu’il y a peu de leaders en matière de nouveaux modèles d’affaires. Si on liste les plus grandes entreprises mondiales on constate que très peu ont sauté le pas :

1.     Wall-Mart,
2.     SGCC (State Grid Corporation of China),
3.     CNPC (China National Petroleum Corporation),
4.     Sinopec,
5.     Royal Dutch Shell,
6.     ExxonMobil,
7.     Volkswagen,
8.     Toyota Motor,
9.     Apple,
10.  BP,
11.  Berkshire Hathaway,
12.  McKesson,
13.  Samsung Electronic,
14.  Glencore Xstrata,
15.  ICBC (Banque Industrielle et Commerciale de Chine),
16.  Daimler AG,
17.  UnitedHealth,
18.  CVS Health,
19.  EXOR (Fiat Chrysler),
20.  General Motors,
21.  Ford,
….
Les 21 plus grandes entreprises mondiales

En analysant cette liste on constate qu’en dehors des fournisseurs comme Apple ou Samsung les autres entreprises ont du mal à trouver des « business model » adaptés. On note dans cette liste la présence de McKesson, un très important distributeur pharmaceutique, qui a eu l’idée intéressante de créer une division technologique chargée de vendre des services numériques. Toutes les autres entreprises de cette liste ont du mal à entrer dans le nouveau monde.

Risques ou opportunités

Pour toutes les entreprises le numérique est une opportunité mais c’est aussi une véritable menace. Elles risquent la disruption qui se traduira, un jour ou l’autre, par la perte de contact avec leur marché. C’est notamment le cas des grands distributeurs, des banques, des constructeurs automobiles, … Même les pétroliers et les producteurs de minerais sont menacés.
Cependant, bonne nouvelle, les opportunités sont nombreuses comme la possibilité de trouver de nouveaux clients, de mieux fidéliser les clients existants, de créer de nouveaux services et d’améliorer les process. Examinons ces différents points :
1.     Trouver de nouveaux clients. A côté les clients habituels de l’entreprise il existe des millions de personnes qui pourraient être clients mais qui ne la connaissent pas ou qui habitent trop loin d’une boutique, d’une agence ou d’un bureau pour être un client. Même s’ils connaissent l’entreprise ils ignorent le détail de ses produits et de ses services. Cela se traduit par une augmentation significative du chiffre d’affaires.
2.     Fidéliser les clients. Chaque client est un cas particulier avec ses préférences, ses attentes, ses comportements, … Il est aujourd’hui possible de suivre individuellement chaque client, de le relancer régulièrement, de lui faire des offres personnalisées, …. Les outils et les méthodes du Big Data permettent de suivre pas à pas chaque client.
3.     Créer de nouveaux services. Dans toute entreprise, quel que soit son secteur d’activité, il est possible de trouver de nouvelles activités de service reposant sur l’information et complétant tous les produits et les services existants. Certains seront fournis gratuitement et d’autres seront payants. Ils permettront d’augmenter de manière importante le chiffre d’affaires des entreprises.
4.     Améliorer les process. Grâce à des systèmes d’information alimentés en temps réel et aux robots capables de dialoguer avec les clients il est possible d’améliorer de manière significative l’efficacité des processus que ce soit la fabrication des produits, la logistique, la gestion des commandes, … C’est une réserve importante de gains de productivité.
Comme on le voit ce n’est pas le nombre des opportunités intéressantes qui manquent mais les entreprises ayant la volonté et le courage de les saisir.

Le problème des compétences

En fait la véritable limite de la transformation numérique n’est pas liée à la technologie mais elle est due au manque de personnes ayant les connaissances et les savoirs faires nécessaires pour détecter et réaliser les opportunités qui se présentent.
C’est un point très important et un peu inquiétant. Il est en effet nécessaire que l’entreprise dispose de personnels capables d’imaginer ces nouvelles applications, de les réaliser, de les mettre en œuvre et de proposer la manière de les vendre. Pour certains travaux, notamment la réalisation des nouvelles applications, les informaticiens sont les seuls à pouvoir les prendre en charge. Mais pour les autres personnes de l’entreprise l’absence de compétences est une situation délicate et dommageable.
Ce manque ne concerne pas seulement les exécutants mais surtout les managers et les décideurs. Or, très souvent, les dirigeants de haut niveau ont des relations difficiles avec la technologie. C’est une situation assez paradoxale car la plupart d’entre eux ont reçu dans leur jeunesse une formation d’ingénieur mais depuis du temps est passé ([7]).
Bien entendu il existe des dirigeants qui sont à l’aise avec la technologie. Mais ces cas sont encore assez rares. C’était, par exemple, le cas de Jeffrey Immelt de GE ou de Maurice Levy de Publicis. Cependant Maurice Levy avant d’être un PDG à succès a été informaticien. Les autres décideurs ont une relation complexe et distante avec l’informatique. La plupart des décideurs considèrent que c’est de l’intendance et certains pensent même que les informaticiens posent plus de problèmes qu’ils n’apportent de solutions. Dans ces conditions on comprend qu’ils ont du mal à appréhender les transformations numériques à mettre en œuvre.
Il y a ensuite le cas des responsables métiers comme le marketing, le commercial, la production, la logistique, … On constate qu’ils ont, eux aussi, du mal à comprendre ce qu’ils doivent faire et quel doit être leur rôle exact dans l’ensemble du processus. Ce n’est pas nouveau. Ils avaient déjà eu du mal avec l’informatique classique. Cependant ce n’est pas le cas de tous les responsables métiers. Depuis longtemps les directeurs financiers, les chefs comptables, les responsables de l’administration des ventes, …. ont depuis longtemps appris à maîtriser leurs applications informatique. Mais, leur influence est limitée car ils sont minoritaires dans les comités de direction. Pendant ce temps les autres responsables pataugent.
Quant au reste du personnel de l’entreprise, cadres et employés, ils voient bien que leur compagnie a du mal avec sa future transformation numérique. Il y a trente ans on avait connu le même phénomène avec le PC et il avait fallu plus de dix ans pour qu’une politique claire soit défini et mise en œuvre.
Très souvent on constate qu’il y a un écart significatif entre les déclarations de principes des dirigeants et des CDO (Chief Digital Officer) et la réalité de la transformation numérique dans leurs entreprises. Ceci est dû au fait que les entreprises butent assez vite sur des problèmes de compétence. Pour faire avancer ce type d’opérations il faut des connaissances et de l’expérience. Bien entendu il est possible de palier à ces difficultés mais cela risque de prendre du temps. Or nous sommes dans une course mondiale avec des entreprises américaines, qui ont pris une solide avance, et des chinoises qui mettent les bouchées double mais rassurez-vous l’Europe et notamment la France ont encore des avantages à faire valoir mais le temps passe.

Les informaticiens face à leur avenir

Pendant ce temps les informaticiens manifestent leur perplexité et même certains sont assez inquiets par ces changements qui ne leurs disent rien de bien. En effet le coup est parti sans eux. Alors qu’ils étaient occupés par de nombreux travaux de maintenance et de migration des applications existantes et d’assurent l’évolution des configurations le processus de la transformation numérique s’est développée sans faire appel à leurs compétences. Certains responsables marketing ont, par exemple, mis en place Salesforce alors que d’autres ont recouru au « reciblage publicitaire » assuré par Criteo. On pourrait multiplier les exemples de développement recourant au Big Data, au Cloud, à l’IoT, …
Ceci se passe dans un contexte évolutif. Le métier informatique change : la technologie se simplifie. On assiste a une série d’évolutions des matériels, les logiciels de base et des protocoles. Windows, Linux, Internet, Java, PHP, les processeurs Intel, … sont entrain de rationaliser et de simplifier les architectures. Ce n’est pas parfait mais c’est un progrès notamment par rapport à la situation antérieure. L’accès aux solutions s’est considérablement simplifié et a facilité l’accès aux applications par les utilisateurs grâce au Cloud. Dans ces conditions les informaticiens ont eu le sentiment d’être court-circuités
Dans ces conditions les DSI s’inquiètent pour leur avenir. Les plus pessimistes annoncent la fin des services informatiques. D’autres déplorent d’être réduit au rôle de supplétifs. Il faut se rappeler que depuis les années soixante les informaticiens ont pris l’habitude d’être les leaders. La mise en place des relations maîtrise d’œuvre-maîtrise d’ouvrage s’est fait avec difficultés. Il est certain que l’autonomie croissante des divisions, des départements et des services des entreprises risquent de mettre en difficulté un certain nombre de responsables informatique.  
Mais ce n’est pas pour autant la fin de l’informatique. Au contraire c’est une accélération de son développement. Dans ce contexte les informaticiens disposent d’un certain nombre d’avantages et notamment leurs compétences techniques et la maîtrise de la gestion de projet. Il est certain qu’ils sont en train de perdre l’initiative des nouvelles applications. Mais ils conservent des atouts importants en matière de réalisation, d’exploitation et de maintenance.

Et maintenant que faire ?

On peut envisager différentes mesures simples permettant d’améliorer la situation des entreprises afin de faire face aux contraintes de la transformation numérique :
1.     Observer les concurrents et en particulier les nouveaux venus. Il est nécessaire de repérer très rapidement les innovations qui peuvent apparaître sur le marché afin d’éviter l’uberisation et la disruption de leur entreprise. Pour cela il est nécessaire de comprendre ce qui se passe non seulement en France mais aussi en Europe et dans le monde. Elles peuvent venir des grandes entreprises mais aussi de start-ups. L’objectif est d’avoir une vision mondiale des innovations concernant l’activité de l’entreprise.
2.     Imaginer de nouvelles opportunités offertes par la technologie. Sans attendre qu’à l’autre bout du monde une entreprise fasse une innovation majeure il est possible d’imaginer en interne de nouveaux services ou des produits originaux. Il est pour cela nécessaire de détecter s’il existe dans l’entreprise des personnes créatives et imaginatives. Souvent cette quête est décevante. Autre solution : rechercher des compétences externes. Très souvent les entreprises les trouvent en rachetant des start-ups ayant en leur sein des personnes ayant les profils recherchés.
3.     Analyser la rentabilité des opportunités. Cependant toutes les idées ne sont pas bonnes. Il faut faire le tri et ne pas mettre en place des solutions qui ne sont pas rentables. On a multiplié ces dernières années les sites Web mais ils n’ont pas été tous aussi rentables que ce qui était espéré et certains ont même été à l’origine de pertes massives. De même il n’est pas toujours raisonnable de miser sur la publicité pour arriver à rentabiliser les sites car le volume de la publicité sur Internet n’est pas illimité et les part du marché de la publicité sont déjà prises.
4.     Importance des études amont. Une fois l’opportunité détectée il est nécessaire de trouver le bon « business model ». Ainsi Blablacar avant de trouver la bonne formule avait essayé six « business model » différents. Dans certains cas il est possible de réaliser un prototype et le tester. Mais c’est une approche coûteuse et qui prend du temps. Pour aller plus vite il est préférable de commencer le projet par une analyse de faisabilité afin de s’assurer de l’intérêt de la solution envisagée, d’apprécier si la solution technique est réaliste et surtout de vérifier la rentabilité de l’opération (chiffres d’affaires, coûts directs, marge brute).
5.     Privilégier la recherche de compétences. C’est un point clé car le manque de compétence risque de freiner le processus de transformation numérique. Pour les trouver deux approches sont possibles. La première consiste à rechercher les compétences en interne mais ce n’est pas évident car on a souvent une politique de recrutement qui ne privilégie pas la créativité et l’imagination. Il est bien entendu toujours possible de former le personnel de l’entreprise mais cela risque de prendre du temps. Deuxième approche possible : recruter ces compétences en externe. Ceci peut être fait par le recrutement de nouveaux salariés, la recherche personnalisée de personnes de haut niveau, l’achat de start-ups, l’appel à des sociétés de service (s’il en existe dans ce domaine), ...
6.     La transformation numérique représente de vrais investissements. Il est nécessaire de développer des volumes importants de logiciels, d’acheter des équipements conséquents et des logiciels coûteux, de disposer des équipes d’assistance technique et fonctionnelle et d’assurer la maintenance des équipements et des logiciels, ... Il est possible que ces investissements laissent espérer des gains importants mais faut-il encore s’en assurer car les risques sont eux aussi conséquents. Pour cette raison il est nécessaire de mettre en place un management rigoureux à la hauteur des enjeux stratégiques.
7.     Gérer le déploiement. C’est une étape importante et c’est, probablement, une des raisons du succès des start-ups américaines. Il est nécessaire, même pour une PME, d’avoir une vision mondiale et non local. La force des start-ups US est leur capacité à avoir très vite une vision large de leur activité et de se déployer très rapidement. L’ubiquité d’Internet facilite les opérations. Pour réussir un déploiement international il est nécessaire de disposer très rapidement d’une application multi-langues et multidevises. C’est toujours un projet complexe et coûteux.
8.     Piloter le changement. La gestion des changements est toujours une opération délicate. À tout moment des problèmes nouveaux peuvent surgir. Le personnel est souvent inquiet car il est face à des difficultés insoupçonnées car « on n’a jamais fait comme ça ». Pour cette raison la transformation numérique risque de coincer à de nombreux endroits. Il est pour cela nécessaire de piloter les opérations en permanence. Il est notamment important de gérer leur enchaînement en s’assurant que les mesures prévues soient effectivement appliquées à ce qu’il n’y ait pas de goulet d’étranglement ou de passages à vide.
9.     Cultiver les compétences. C’est le cœur du processus de développement. Sans disposer des compétences nécessaires les projets de transformation numérique s’essoufflent assez vite. Avoir la bonne idée n’est pas suffisant. Il faut aussi disposer des compétences nécessaires pour la mettre entre œuvre. Il est pour cela indispensable de relever le niveau des compétences. Comme nous l’avons vu ceci peut se faire par différents moyens notamment le recrutement et la formation des collaborateurs mais aussi des recrutements.
10.  Réorganiser l’entreprise autour des nouveaux produits et services. L’arrivé de ces nouvelles applications nécessite de repenser les manières de travailler. On doit refonder les processus, modifier les rôles et les responsabilités de chacun, définir de nouvelles règles de contrôle interne, … C’est un travail long et difficile. Tout cela prend du temps et nécessite des efforts importants. C’est si compliqué que certaines entreprises sont tentées de créer une nouvelle entreprise à côté de l’ancienne. Ce fut par exemple le cas d’IBM lorsqu’au début des années 80 il a créé le PC. Par contre Apple a intégré le développement des Smartphones et d’App Store dans son organisation en place.
11.  Définir une gouvernance de la transformation numérique. Beaucoup d’entreprises nomment des CDO, Chief Digital Officer. Comme la transformation numérique touche toutes les unités de l’entreprise il doivent avoir un positionnement suffisant pour leur permettre d’agir efficacement. Très souvent c’est un manager noyé dans une entité comme le Marketing ou le Commercial. Assez vite il risque de s’épuiser. La solution consiste à confier cette mission au Président ou au Directeur Général quitte à ce qu’il se fasse assisté par un petit groupe de professionnels fonctionnant en mode mission. Mais ce n’est pas toujours possible à cause de la faible maîtrise du sujet par les dirigeants.
12.  Organiser la mission transformation numérique. Trois domaines doivent être privilégiés :
·       Les nouveaux produits. L’objectif est d’identifier les nouveaux produits, confier leur développement à une unité efficace, dégager les ressources nécessaires, mettre rapidement ces nouveaux produits sur le marché, …
·       Les nouveaux services. Pour cela on doit identifier les nouveaux services à proposer aux clients, choisir les unités qui vont les développer notamment assurer la réalisation des applications et assurer la mise en œuvre des bases de données, dégager les ressources nécessaires, piloter le déploiement, …
·       Les changements des process (production, administratif, commercial). C’est la partie la plus délicate de la mutation. En matière industrielle on appelle cela Usine 4.0. A coup de robots et d’Intelligence Artificielle on restructure complètement le processus de production.


La transformation numérique est, pour toutes les entreprises et les administrations, le challenge des prochaines décennies. Les entreprises qui ne commencent pas aujourd’hui cette longue évolution risquent de rencontrer assez vite des difficultés : perte de chiffre d’affaires, dégradation de la marge, …. Avec le temps elles vont devenir croissantes. Mais c’est aussi une opportunité remarquable leur permettant d’assurer un développement important de leur activité tout en améliorant leurs marges de manière significative.





[1] - Le terme d’ubérisation a été inventé par Maurice Levy en 2014 alors qu’il était Président du Groupe Publicis (Pour en savoir plus voir la page Wikipédia. Pour cela cliquez ici ). Le terme a plu et son emploi c’est rapidement généralisé.
[2] - On attribue le concept de « disruption » à Clayton Christensen, professeur à Harvard, qui s’est fait mondialement connaître par son best-seller "Innovator’s Dilemma" (1997). En fait ce terme a été défini 5 ans plutôt, en 1992, par un français Jean-Marie Dru, co-fondateur de l’agence française BDDP, aujourd’hui Président non exécutif de TBWA, dans son livre « New : 15 approches disruptives de l’innovation" (Edition Pearson) (Pour en savoir plus cliquez ici).

[3] - Elon Musk, PDG de SpaceX et de Tesla, est un serial disrupteur (Voir le post de Christophe Legrenzi « L’ADN des nouveaux managers : le cas d’Elon Musk » sur le site GouvSI : http://gouvsi.blogspot.fr. ( Pour lire ce texte cliquez ici )
[4] - Ce chiffre usuellement dit et répété me semble très optimiste. 3 ou 4 serait, probablement plus réaliste.
[5] - Sans tenir compte de nombreux gadgets qui ont un succès pendant quelques jours et disparaissent quelques mois après.
[6] - Voir le classement des 500 plus grandes entreprises établi par Fortune dans Wikipédia cliquez ici.
[7] - Tous les responsables informatiques et les consultants ont des stocks d’histoires mettant en avant les bévues et l’incompréhension des décideurs face à l’informatique, aux nouvelles technologies et maintenant à de la transformation numérique. 

dimanche 28 mai 2017

L’art d’organiser un projet


Un projet, quelle que soit sa nature, n’est pas spontanément organisé. Si on n’y prend pas garde rapidement il risque de devenir assez confus et cela va se traduire par des micro-conflits et finalement des pans entiers du projet qui sont oubliés. Pour éviter ces dérives il est nécessaire de répondre aux cinq questions de base : Qui fait Quoi, Où, Comment et Quand. C’est le classique QQOCQ.
Pour rendre la gestion du projet efficace il est nécessaire de définir une organisation adaptée. Si elle n’est pas mise en place il n’y a aucune raison pour qu’il arrive à atteindre spontanément ses objectifs. Si le dispositif de pilotage n’est bien conçu si les objectifs ne sont pas clairs ou si l’enchainement des opérations se déroulent dans le désordre le projet risque de dériver et finalement d’échapper à tout contrôle. Il tend alors à s’enkyster et il finit par devenir un projet perpétuel. En effet il n’a aucune raison pour qu’il se termine or, par définition, un projet est une organisation temporaire encadrée par un planning et un budget.
Pour ces raisons il est indispensable de commencer le projet en définissant son organisation. Dès que le chef de projet est nommé sa première tâche consiste à définir l’organisation à mettre en place. Ce travail est indispensable afin de rendre le projet pilotable. Si les petits projets sont simples et faciles à organiser, par contre les grands projets sont nettement plus complexes et difficiles à mettre en œuvre. Ce qui va suivre dans ce post concerne les grandes et moyens projets. Il ne concerne pas le flux de petits projets qui est le quotidien des services informatiques.

Fixer les objectifs du projet et de l’application

La première étape de toute démarche d’organisation du projet consiste à lui fixer des objectifs. Ils peuvent concerner le projet proprement dit ou la future application. Bien sûr ils peuvent être communs aux deux. Mais la plupart du temps ils sont différents. Les objectifs du projet reviennent à assurer son bon déroulement alors que les objectifs de l’application est d’améliorer la rentabilité de l’entreprise, augmenter sa réactivité ou réduire le nombre de non-qualité.
Pour que le projet se déroule sans peine il est nécessaire que des objectifs du projet soient clairs et effectivement atteignables. Ce sont, par exemple, une date de mise en place à respecter ou des performances transactionnelles à atteindre. Très souvent on constate que l’objectif d’un projet est son budget ou la charge de travail qui lui est allouée. Mais il faut être prudent face à ce type d’indicateurs car ce ne sont pas de vrais objectifs mais des ressources mis à la disposition du chef de projet.
Le choix des objectifs est très important car il permet de structurer le projet. Il est pour cela recommandé d’avoir des objectifs quantifiables car il est ainsi possible de mesurer qu’ils sont effectivement réalisés. On peut ainsi évaluer de manière simple sa capacité à atteindre ses objectifs. Il existe aussi des objectifs qualitatifs. Ils sont intéressants mais plus difficiles à évaluer et peuvent prêter à interprétation. Il est pour cela préférable de ne pas les utiliser.
Il est de même recommandé de ne pas avoir comme objectif des indicateurs de ressources sans cela les objectifs et les ressources finissent par se confondre. Il est toujours préférable de choisir des objectifs liés aux performances de la future application.
Les objectifs sont souvent fixés très tôt, lors du lancement du projet. Ils doivent ensuite être validés lors de l’étude de faisabilité (étude d’expression des besoins, étude d’opportunité, ….) est terminée. Les objectifs ont une influence sur le planning du projet, son budget et l’évaluation de ses gains. De plus, ces objectifs ont un effet important sur les choix de solution technique et fonctionnelle adoptés.
Dans tous les cas ces objectifs doivent être validés par le management concerné et le maître d’ouvrage. Ils ont la responsabilité de s’assurer à ce que qu’ils existent et qu’ils soient raisonnables. L’absence d’objectif ou le choix d’objectifs inadéquates est une cause fréquente de dérive des projets. Il doit ensuite s’assurer que les ressources disponibles sont adaptées aux objectifs recherchés.
Quoi qu’il en soit l’absence d’objectif a pour effet de rendre difficile pour qu’un projet permet d’obtenir des résultats satisfaisants.

Etablir un planning avec des livrables clairement définis

Une fois les objectifs fixés la deuxième étape de la démarche consiste à découper le projet en phases et en étapes. Ce travail est indispensable car un projet peut comporter plusieurs centaines de tâches, voire plusieurs milliers. Or, il est très délicat de suivre chaque tâche et il est difficile d’arriver à avoir une vue d’ensemble de toutes les tâches. On a pour cela pris l’habitude de les regrouper dans des ensembles homogènes appelés phases, étapes ou lots. Généralement ils correspondent à un découpage temporel des opérations : la conception, la réalisation, les tests, …. Cela peut aussi être des ensembles d’opérations confiées à une autre équipe ou à un sous-traitant.
L’établissement de ce découpage n’est pas évident. Il existe autant de découpages possibles qu’il y a de chefs de projets. Chacun a son approche. L’observation montre que certains sont bien conçus alors que d’autres sont franchement mal organisés. Dans ce domaine l’expérience des chefs de projet ou des maîtres d’ouvrage joue un rôle important.
C’est toujours un travail délicat nécessitant un véritable savoir-faire. Il est important de veiller à ce que les étapes ne soient ni trop longues ni trop courtes. La durée raisonnable d’une étape est comprise entre deux ou trois mois. Si elle dure plus longtemps, on a intérêt à la couper en deux. Ainsi une étape qui dure 6 mois est mieux contrôlée s’il existe un livrable intermédiaire fournis au bout de 3 mois. Un découpage bien conçu permet de détecter rapidement des retards et même de mesurer l’ampleur de la dérive.

Déterminer les rôles et les responsabilités

La troisième étape de la démarche consiste à définir le rôle des différents intervenants et de préciser qui fait quoi et quand de définir ils doivent le faire. On va pour cela établir un tableau RACI. Le sigle RACI veut dire R pour « responsible », responsable, A pour « accountable » qui peut être traduit par « autorité » mais en fait on vise ceux qui doivent rendre des comptes, C pour « consulted », consulté, et I pour « informed », informé. Ce tableau permet d’avoir en ligne les différentes tâches, ou des groupes de tâches, à accomplir et en colonne les différents intervenants et dans les cases on indique qui est responsable, qui doit rendre des comptes, qui est consulté ou qui est simplement informé. Généralement on établit ce type de tableau au début de chaque étape pour identifier les tâches à effectuer et le rôle des différents intervenants.
Les tableaux RACI est le cœur des notes de cadrages. Ce type de document est établi par le chef de projet au début de chaque étape du projet. Cas particulier : lors du lancement du projet permettant d’initialiser l’étude de faisabilité ce document est rédigé par le maître d’ouvrage. (Pour en savoir plus sur les notes de cadrage voir sur ce blog : « N'oubliez pas la note de cadrage ». Pour lire le texte cliquez ici ).
La rédaction d’une notre de cadrage à chaque étape du projet est un minimum mais il est possible d’aller plus loin est mettre en place des dispositifs plus puissants comme les PMP, les PDP, les PDL ou les PAQ :
-       Le PMP (Plan de Management de Projet) est un document couvrant l’ensemble du cycle du projet et mettant côte à côte les différentes notes de cadrage qui seront établies au cours du projet. Pour éviter les répétitions un certain nombre de dispositifs communs aux différentes étapes sont détaillées à part comme le fonctionnement du comité de pilotage, le suivi de l’avancement, le budget du projet, les principaux choix techniques, … A chaque étape du projet le document est remis à jour en détaillant le chapitre correspondant à la prochaine étape.
-       Le PDP (Plan de Développement de Projet). Dans le cas des grands projets complexes il est possible d’aller plus loin et de définir l’organisation des différents groupes de travail ou des comités les relations entre ces différents organes, la structure des documents à produire, …
-       Le PDL (Plan de Développement de Logiciel). C’est une démarche voisine du PDP. Elle est plus orientée vers la production du code et la manière dont il doit être organisé et testé. Cette démarche est surtout adaptée à la production de programmes complexes et de grande taille comme les applications militaires et spatiales, les logiciels systèmes, …
-       Le PAQ (Plan d’Assurance Qualité). C’est la base de toute démarche Qualité. Elle est basée sur la norme ISO 9001. Le PAQ s’attache à définir la manière dont va être produite et validé le code produit. De même il définit les documentations à établir et la manière dont le système Qualité va les produire et les valider. C’est une démarche plus ambitieuse que la mise en place de notes de cadrage ou un PMP mais assez voisine des PDP ou des PDL.
Quelle que soit la démarche adoptée il est indispensable de définir l’organisation à mettre en place. C’est le rôle des notes de cadrages comme des PAQ. Si ce n’est pas fait il ne faut pas s’étonner de constater que des facteurs très importants concernant la réussite du projet ne sont pas pris en compte et on risque alors d’assister à la multiplication des conflits de compétence entre les différents intervenants concernés par le projet (informaticiens, maitrise d’ouvrage et utilisateurs).

N’oubliez pas les gains

La troisième étape de la démarche du projet est de réfléchir aux gains liés à la future application. C’est essentiellement la responsabilité des métiers et des maîtres d’ouvrage. Il fut un temps, pas si lointain, où il était possible de lancer des projets conséquents sans déterminer ces gains. Aujourd’hui la plupart des projets sont dotés dès l’étude de faisabilité d’un budget. Celui-ci est plus ou moins bien correctement calculé mais il comprend au minimum la charge de travail des informaticiens. On trouve moins fréquemment l’ensemble des coûts de la maîtrise d’ouvrage et des utilisateurs participants au projet. Souvent les frais généraux liés au projet sont sous-évalués voir ignorés. On progresse même s’il reste encore des efforts à faire en matière de budget.
Par contre la situation est nettement moins satisfaisante en ce qui concerne l’évaluation des gains. Rares sont les projets ayant une évaluation prévisionnelle de qualité de ces gains. Cette situation est due à la conjonction de plusieurs facteurs.
La cause la plus grave est liée la difficulté éprouvée par un certain nombre de maîtres d’ouvrage de s’engager sur ces estimations. Les informaticiens maîtrisent assez bien leurs coûts, par contre les utilisateurs et leur hiérarchie ont plus de mal à imaginer ce que seront le détail des gains futurs et surtout de donner une estimation raisonnable de ces montants. Or, dans un projet, le plus important ne sont pas les coûts mais les gains et la rentabilité du projet. Cette prudence excessive explique le fait qu’un nombre élevé de projets une fois réalisés font apparaître des gains faibles voir nuls. Il serait de bonne pratique de les supprimer mais on risquerait alors de devoir faire face à un certain nombre de réactions hostiles y compris de la part des décideurs. Ceci explique en grande partie la prudence excessive constatée en ce domaine.
L’évaluation des gains est compliquée par le fait qu’il n’existe pas de barème des gains permettant d’effectuer des estimation rapides et fiables. Cela oblige à chaque fois d’effectuer des calculs complexes et un peu fragile.
Enfin les décideurs et les maitres d’ouvrage ont tendance à privilégier des évaluations analytiques et détaillées. Ils répugnent à effectuer des évaluations globales qui sont pourtant, l’expérience le monte, plus fiables que les évaluations analytiques.

L’importance du contrôle interne

Enfin, quatrième étape de la démarche, il est nécessaire qu’un projet soit régulièrement contrôlé pour éviter toutes les différentes dérives possibles. Il est notamment très important de s’assurer que les bonnes pratiques de la gestion de projet sont effectivement appliquées. Pour cela on doit de s’assurer que les projets respectent les règles de contrôle interne adaptés au contexte de la gestion de projet. C’est le rôle de l’audit de projet.
Bien entendu il existe des particularités propres aux projets mais la plupart des règles à appliquer sont de bonnes pratiques générales s’appliquant aux entreprises et notamment en matière d’investissement. Celles-ci sont largement connues mais elles ne sont pas pour autant appliquées. Compte-tenu des enjeux il est souhaitable de s’assurer qu’elles le sont. C’est une condition nécessaire afin d’améliorer la qualité de la gestion de projets.

Quelques règles de contrôle interne à appliquer

Parmi les nombreuses bonnes pratiques concernant les projets dix règles sont particulièrement importantes :
1.     A chaque étape il doit exister au minimum une note de cadrage. Cela peut aussi être un PMP (Plan de Management de Projet), un PDP (Plan de Développement de Projet) ou un PDL (Plan de Développement de Logiciel) ou un PAQ (Plan d’Assurance Qualité). La note de cadrage est une solution minimum et elle est souvent suffisante. (Pour en savoir plus sur les notes de cadrage voir sur ce blog : « N'oubliez pas la note de cadrage ». Pour lire le texte cliquez ici). Dans le cas des projets importants et complexes il est nécessaire de recourir à des dispositifs plus rigoureux.
2.     Chaque étape du projet se termine par un livrable et il doit y avoir un contrôle suffisant des livrables pour s’assurer que ce qui est livré est conforme à ce qui était prévu et s’assurer que rien ne manque. Le but de ce contrôle est de vérifier que le livrable est complet. La validation détaillée proprement dit du livrable est une opération plus conséquente, notamment celle de l’analyse fonctionnelle et du code développé. Souvent, c’est une étape spécifique.
3.     L’existence d’un comité de pilotage. Il est composé par les décideurs directement concernés par le projet. Il doit se réunir aux différents moments clés du projet pour prendre, si c’est nécessaire, les décisions qui sont nécessaires. Ils doivent avoir l’autorité nécessaire afin de prendre les décisions qui s’imposent. L’objectif n’est pas d’organiser tous les mois des réunions du comité de pilotage car les décideurs n’ont pas le temps disponible et si c’est le cas ils ont tendance à déléguer à des collaborateurs qui n’ont pas forcément l’autorité nécessaire pour prendre les décisions qui s’imposent.
4.     Des réunions périodiques autour du projet. Indépendamment des réunions du comité de pilotage. Il est nécessaire d’informer toutes les personnes concernées sur le contenu de la future application et l’avancement des opérations. Il est pour cela souhaitable d’organiser des réunions autour du projet. On va pour cela d’organiser des comités projet mensuel, des comités d’avancement, des comités de validation, des groupes de travail, …
5.     L’existence d’un tableau de bord mensuel. Les décideurs doivent recevoir périodiquement une information synthétique sur l’avancement du projet concernant le planning, la charge, les dépenses, l’avancement détaillée, … Il doit être établi dans les premiers jours qui suivent la fin du mois précédent et diffusé à la maîtrise d’ouvrage et aux membres du comité de pilotage.
6.     L’étude de faisabilité ou l’expression des besoins. Quelle que soit la méthode de développement utilisée (classique ou agile) il est nécessaire de commencer la conception de la future application par une étude permettant de définir son périmètre fonctionnelle (voir sur ce sujet dans ce blog le post : « Le problème du périmètre fonctionnel ». Pour le lire cliquez ici  ). Il est de même nécessaire de fixer le planning et le budget du projet.
7.     L’évaluation des coûts du projet (strict et complet) et sa rentabilité. Trop souvent les coûts du projet sont sous-évalués. Ceci se traduit inéluctablement par des dérives budgétaires qui sont généralement mal vécues par le management. (Voir sur ce sujet dans ce blog le post : « Estimer correctement le coût des projets informatiques ». Pour le lirecliquez ici )
8.     L’existence d’un planning et d’un suivi périodique. C’est l’outil de base pour piloter le projet et détecter d’éventuels retards. Un premier planning doit être établi lors du lancement du projet. C’est la « baseline ». C’est la base de référence. Ensuite, au fur et à mesure, on note les dates des livrables et des « milestones ». Ceci permet d’évaluer le retard du projet.
9.     La validation de l’analyse fonctionnelle. Une fois que l’analyse fonctionnelle est terminée elle doit être validée par l’ensemble des responsables concernés. Il est pour cela nécessaire de s’assurer d’un consensus suffisant. Ceci ne concerne pas les développements faits à l’aide de méthodes agiles car il n’y a pas d’étape d’analyse fonctionnelle. Dans ce cas les développements sont effectués de manière itérative avec les utilisateurs concernés. On doit dans ce cas s’assurer que ces derniers ont largement participé à la réalisation du projet.
10.  Distinguer les tests techniques, les tests utilisateurs et la réception. Trop souvent, pressé par le temps, ces différents types de tests sont effectués ensemble. Cela risque d’être insuffisant. Il est nécessaire de s’assurer qu’après une série de tests techniques permettant de s’assurer que l’application est opérationnelle les utilisateurs doivent effectuer des tests fonctionnels suffisants pour s’assurer que l’application est conforme à l’analyse fonctionnelle. On peut alors organiser sa réception qui aboutit un PV (Procès-Verbal) de réception et le cas échant une liste de réserve.
Ces dix bonnes pratiques permettent d’avoir une assurance raisonnable que le mode projet est correctement maîtrisé. Il est bien sur possible d’aller plus loin en se basant sur d’autre bonnes pratiques. Mais est-ce nécessaire ? Si aujourd’hui déjà tous les projets respectaient ces dix bonnes pratiques il est probable que leurs dérives seraient moins fréquentes et le cas échéant elles seraient de moins grande ampleur.
Pour s’assurer que les projets sont correctement maîtrisés il est nécessaire de les auditer périodiquement. Un projet de grande taille doit être systématiquement audité à une de ses étapes clé, en particulier à la fin de l’analyse fonctionnelle. Comme les enjeux concernant les projets de taille moyenne sont moins importants il n’est pas nécessaire de tous les audités. Il suffit d’en contrôler chaque année quelques-uns pour s’assurer que les projets se déroulent sans difficultés particulières.



dimanche 22 janvier 2017

La France remonte légèrement dans le classement informatique de Davos


Tous les ans le World Economic Forum effectue une enquête très intéressante permettant de classer les pays selon leur degré de maturité informatique. Malheureusement elle est publiée en dehors des festivités de Davos. Ceci fait qu’elle est peu, ou pas, reprise par la presse. C’est pourtant un très bon indicateur permettant de mesurer les progrès effectués par les pays en matière de TIC, d’Internet et de transformation numérique (Voir pour télécharger le rapport « Global Information Technology Report2016 » cliquez ici ) ([1]).
Pour classer les pays le WEF a construit un index synthétique, le NRI, le Networked Readiness Index, basé sur 53 indicateurs regroupés en 4 domaines et 10 sous-catégories. Comme tous ces classements, tel que Pisa et Shanghai, sont critiquables mais ils ont le mérite d’exister et devrait amener un réveil salutaire.


Page de garde du rapport 2016 du WEF sur l’état des technologies informatiques

Une bonne nouvelle et une moins bonne

Cette année on a le plaisir de constater que la France a gagné deux places. C’est la bonne nouvelle. La moins bonne est que, malgré ces progrès la France reste loin dans le classement, en 24ème position, entre la Belgique et l’Irlande. Mais on est très loin des scores des leaders comme Singapour, la Finlande, la Suède, la Norvège, les Etats-Unis, les Pays-Bas, la Suisse, la Grande Bretagne, …
On se rappellera qu’en 2009 la France était en 18ème place, ce qui déjà n’était pas une situation très brillante, mais entre 2009 et 2013 elle était tombée de la 18ème à la 26ème place. On est revenu à la 24ème. On ne peut que s’en féliciter. Mais est-ce satisfaisant ? L’Allemagne est en 15ème position. Ce n’est pas génial mais c’est déjà mieux. La Grande Bretagne est en 8ème position. C’est nettement plus raisonnable. Le plus remarquable est la situation des trois états scandinaves : la Finlande (2ème), la Suède (3ème) et la Norvège (4ème) qui sont en tête du classement depuis de nombreuses années. Il serait simple d’aller voir ce qu’ils ont fait et de s’en inspirer.




Classement des 10 premiers pays.

On notera que sur les 10 premiers pays du classement 7 sont européens et de plus ce sont tous des pays d’Europe du Nord. Contrairement à une idée souvent répétée l’Europe n’est pas à traîne. Autre point intéressant : seul trois pays non-européen sont en tête du classement : Singapour (1er), les Etats-Unis (5ème) et le Japon (10ème).
D’une année sur l’autre on note quelques changements dans l’ordre de ces pays : la Norvège passe de la 5ème à la 4ème place, les Etats-Unis passent de la 7ème à la 5ème place. A l’inverse les Pays-Bas passent de la 4ème à la 6ème place et la Suisse passe de la 6ème à la 7ème place. Le reste est sans changements.
Les autres pays européens sont assez dispersés et certains sont à la traîne comme la France. Deux pays européens sont entre le 11ème et le 20ème rang : le Danemark (11ème), l’Allemagne (15ème rang au lieu de la 13ème place). On trouve ensuite : la Belgique (23ème), la France (24ème), l’Irlande (25ème), le Portugal (30ème), Malte (34ème), l’Espagne (35ème), la Tchéquie qui en un an est passée en un an de la 43ème place à la 36ème, la Russie (41ème), la Pologne qui est passée de la 50ème place à la 42ème, l’Italie qui est passée en un an de la 55ème place à la 45ème, la Slovaquie qui en un an est passé de la 59ème place à la 47ème, la Hongrie (50ème), l’Ukraine en 64ème place au lieu de 71ème l’an passé, à l’inverse la Grèce qui descend de la 66ème place à la 70ème, … Cette liste permet de constater que la situation de la France est plutôt rassurante. Elle est au milieu du classement européen entre une Europe du Nord dynamique et une Europe du Sud à la traîne en compagnie d’une Europe de l’Est qui est à la peine.
On notera que cette année cinq pays européen font une remontée significative : la Slovaquie gagne 12 places, l’Italie avance 10 places, la Pologne progresse de 8 places, la Tchéquie gagne 7 places tout comme l’Ukraine malgré sa situation politique et économique. Ceci montre qu’il est possible de faire de rapides progressions en ce domaine à conditions de prendre les bonnes mesures.


Les 30 premiers pays du classement 2016 du WEF

Comme le montre le tableau ci-dessous montrant l’ensemble du classement permet d’effectuer plusieurs constatations.
Les pays en transition comme les BRICS sont entre la 41ème et la 91ème place : la Russie est à la 41ème place, la Chine à la 59ème, l’Afrique du Sud à la 65ème, le Brésil à la 72ème place et l’Inde à la 91ème place. Comme on le voit ces pays ont encore d’importants efforts à faire pour rattraper leur retard.
La plupart des pays en voie de développement se trouvent sur la partie droite du tableau comme l’Indonésie (73ème), les Philippines (77ème), le Maroc (78ème), la Tunisie (81ème), le Kenya (86ème), l’Egypte (96ème), …
On notera enfin que la plupart des pays sub-saharien sont situés vers la fin de la liste comme le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Nigéria, l’Ethiopie, le Cameroun, le Gabon,….


Classement des 139 pays du Networked Readiness Index en 2016

Comme on le voit il existe une assez forte relation entre le degré de développement économique et le niveau de gouvernance des TIC. Il est certain que les pays riches ont plus de facilités pour maîtriser leur processus d’informatisation que les pays pauvres. Mais à niveau de développement équivalant on observe que certains pays réussissent mieux que d’autres. Ceci est dû pour partie aux politiques mises en œuvre par les états et pour partie grâce aux efforts des entreprises nationales.

« France ton café fout le camp »

Pour comprendre le médiocre score de la France il faut rentrer dans le détail des chiffres. Chaque pays à sa fiche. Celle de la France, ci-dessous, est intéressante car elle montre qu’à coté de points forts notre pays souffre d’un certain nombre de faiblesses qui ne sont que trop lentement corrigées au cours des années.
Entre 2015 et 2016 l’index globale NRI de la France passe de 5,2 à 5,3. Ce gain est due à quelques progrès ponctuels significatifs. Lorsqu’on compare les détails des index entre 2015 et 2016 on constate des écarts significatifs :
·       L’index mesurant les impacts des TIC ont augmenté de 0,2 point en passant de 5,0 à 5,2. Ceci est dû à part égal aux impacts économiques et aux impacts sociaux.
·       L’évaluation de l’environnement a aussi augmenté de 0,2 point en passant de 4,8 à 5,0. Cette progression est due à une légère amélioration de l’environnement politique et de régulation ainsi qu’aux innovations dans le domaine du business.
·       Par contre l’index mesurant la capacité d’agir ne progresse que de 0,1 point grâce à l’amélioration des infrastructures de 0,2 points.
·       L’index mesurant les usages n’a augmenté que de 0,1 point grâce à l’amélioration des applications publiques et individuelles.


Fiche d’évaluation de la France

C’est bien mais, il faut le reconnaître ces progrès sont faibles. Cependant on observe un certain nombre d’améliorations ponctuelles mais elles sont faibles et n’ont qu’un impact assez marginale. De plus certains indicateurs semblent avoir des valeurs fantaisistes ([2]).
Le point le plus positif concerne quatorze indicateurs sur 53 qui étaient particulièrement faibles dans le cas de la France et qui sont en voie d'amélioration. Ce sont :
·       « L’existence de lois relative aux TIC » qui passe de la 25ème à la 17ème place.
·       « L’efficacité du système juridique concernant le règlement des conflits » passe de la 41ème à la 28ème place. 
·       « La disponibilité de venture capital » passe de la 35ème à la 29ème place.
·       « Le taux des taxes par rapport au bénéfice », passe de la 135ème à la 124ème place (2).
·       « Les achats de l’administration dans les nouvelles technologies » passe de la 43ème à la 19ème place.
·       « L’utilisation des réseaux sociaux virtuels » passe de la 68ème à la 45ème place.
·       « L’utilisation des TIC pour les échanges B to B » passe de la 44ème à la 33ème place.
·       « L’importance de la vision du gouvernement sur les TIC » passe de la 53ème à la 42ème place.
·       « L’utilisation d’Internet dans le commerce B to C » passe de la 29ème place à la 23ème.
·       « Les succès du gouvernement dans la promotion des TIC » passe de la 63ème à la 37ème place.
·       « L’impact des TIC sur les modèles d’organisation » passe de la 48ème à la 26ème place.
·       « L’impact des TIC pour l’accès aux services de base » passe de la 34ème à la 25ème place.
·       « L’accès des écoles à Internet » passe de la 55ème place à la 40ème.
·       « L’utilisation des TIC sur l’efficacité du gouvernement » passe de la 43ème place à la 30ème.
Comme on le voit la France est en train de corriger ses principales faiblesses. Ces quatorze items représentent environ le quart des items. C’est un progrès important mais ces indicateurs font encore apparaître des performances encore faibles voir très faibles. C’est donc un mieux dans la médiocrité. Mais on est encore loin de l’excellence qui aurait pu être attendu de la France. Tant que les points faibles seront aussi nombreux la France ne sortira pas de son mauvais classement.

Une belle collection de points faibles

Si on pointe les 53 items de l’enquête on constate qu’en France il y a encore 9 points particulièrement faibles ([3]). Ce sont :
·       « Le taux des taxes par rapport au bénéfice », 124ème place (2),
·       « Le nombre de procédures pour commencer une entreprise », 41ème place,
·       « Le pourcentage d’une classe d’âge suivant l’enseignement supérieur », 40ème place,
·       « La couverture du réseau mobile », à la 67ème place,
·       « Le prix de la minute de téléphone mobile prépayée », à la 121ème place (2),
·       « Le taux de souscription au téléphone mobile », à la 95ème place,
·       « L’usage des réseaux sociaux virtuels », à la 45ème place,
·       « L’importance des TIC dans la vision du gouvernement », à la 42ème place,
·       « L’accès des écoles à Internet », à la 40ème place.
Ces handicaps sont lourds. Ils sont en grande partie liés aux politiques publiques, ou pour être plus précis, à l’absence de politiques publique. Dans ces conditions il est difficile d’arriver à faire la course en tête car ils freinent la capacité de transformation numérique des entreprises et des administrations.
Cependant tout n’est pas négatif : la France a deux indicateurs sur 53 classée en premier :
·       « La compétition dans les secteurs d’Internet et la téléphonie ».
·       « Les services publics en ligne ».
Par contre il n’y a aucun indicateur se trouvant à la 2ème et 3ème place et seulement deux indicateurs à la 4ème place, puis ensuite aucun indicateur entre la 5ème et la 11ème place. Au total il n’y a que 4 indicateurs pour lesquels la France est classée avant la 10ème place. C’est insuffisant pour contrebalancer les 9 indicateurs se trouvant au-delà du 40ème rang.
La comparaison de la fiche de résultat de Singapour, mais aussi celles de la Finlande, de la Suède ou de la Norvège avec celle de la France permet de faire apparaître une différence fondamentale : la France a peu de points d’excellence dans cette compétition et encore un nombre trop élevé de points faibles.

Les raisons du succès des meilleurs

Pour choisir une stratégie le mieux est de regarder ce que font les meilleurs, de s’en inspirer et ensuite d’essayer de faire mieux. Cette année le « best in class » est la ville-Etat de Singapour qui était déjà le 1er en 2015.
Singapour a un profil très différent de celui de la France :
·       Elle a 9 indicateurs classés en 1er contre 2 dans le cas de la France,
·       22 indicateurs sont compris entre la 2ème et la 10ème place, au lieu de 2 pour la France,
·       Au total plus de la moitié des items de Singapour sont classés avant la 10ème place alors que dans le cas de la France moins du dixième des items sont dans ce cas.
·       Bien sûr il reste quelques points faibles : 2 indicateurs se trouvant au-delà de la 40ème place. On est loin de la collection française des 9 items à problème.
C’est le secret du succès. Il faut avoir un certain nombre de points d’excellence et ne pas avoir trop de points faibles.


Fiche d’évaluation de Singapour
Comme on le voit les pays les mieux informatisées ont trois caractéristiques : un certain nombre d’items sont classées en 1ère position et ensuite un grand nombre d’items ont un rang élevé. Au total plus de la moitié des indicateurs sont inférieurs ou égaux à la 10ème place. Enfin il y a très peu d’indicateurs médiocres. C’est simple !

Quelques mesures simples

Dans les posts que j’ai rédigé les années précédentes je m’étais permis de suggérer différentes mesures (1). La loi Lemaire appelée Loi sur une République Numérique n’a pas permis de changer fondamentalement la situation. Elle est intéressante car elle règle de nombreux problèmes ponctuels comme l’Open Data, la neutralité du net, la loyauté des plateformes en ligne, la protection des données personnelles, l’accessibilité de tous à Internet, l’accélération de la couverture du territoire en très haut débit et en téléphonie mobile, l’accès à Internet des personnes handicapées, la création d’un droit au maintien de la connexion Internet , … Mais tout cela ne permet pas de corriger les faiblesses structurelles de la France en matière de TIC. Ceci fait que ces dix mesures restent toujours d’actualité :
1.     S’inspirer des pays voisins en particulier ceux se trouvant en tête du classement comme la Finlande Suède, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse ou la Grande-Bretagne, le Luxembourg,…Il n’y a pas de honte à copier les bons élèves.
2.     Améliorer l’environnement économique notamment en simplifiant le contexte administratif et réglementaire tout particulièrement en luttant contre les nombreux dysfonctionnements de la justice commerciale et de l’administration. 
3.     Avoir une politique publique positive en faveur des TIC basée sur une vision claire de l’impact des TIC sur le développement économique. L’absence de vision est certainement une des grandes faiblesses de la France.
4.     Réduire la tarification des télécommunications. Malgré la guerre des forfaits initiée par Free dans le domaine du téléphone mobile les tarifs des télécommunications restent élevés en France notamment en ce qui concerne les tarifs hors-forfaits et l’accès à la bande passante.
5.     Inciter les entreprises moyennes et grandes à investir dans les TIC. Les plans publics misent très souvent sur les PME. Elles sont nombreuses mais en réalité elles ont peu d’influence sur le degré de l’informatisation de l’économie. Il faut au contraire miser sur les grandes entreprises qui ont les moyens de financer ces projets.
6.     Favoriser les investissements des entreprises et des administrations dans les TIC. Il est pour cela urgent d’autoriser l’amortissement des études débouchant sur des logiciels permettant de faire fonctionner des applications rentables. Pour favoriser le développement de certaines applications, notamment pour la création de nouveaux services basés sur les TIC et Internet, il serait souhaitable de mettre en place un mécanisme de crédit d’impôt.
7.     Favoriser les capacités des entreprises du secteur de l’économie numérique à l’exportation (matériel, logiciels, services). Il est important de développer les coopérations entre les entreprises pour les inciter à intervenir dans ce domaine et faciliter leur présence au niveau mondial. La présence massive des start-up françaises au Consumer Electronic Show est très sympathique mais cela ne permet pas d’espérer à court terme un développement des exportations de services numérique.
8.     Développer la formation à l’informatique notamment en matière de développement informatique et de renforcer la connaissance des systèmes d’information. On ne forme pas assez de professionnels de l’informatique et ceux qui sont formés n’ont pas toujours la formation adaptée aux besoins. Ils sont orientés vers la technique informatique et ignorent largement les usages de l’informatique.
9.     Développer la culture des dirigeants des entreprises et des administrations à l’informatique et aux systèmes d’information. On parle beaucoup de « transformation numérique » mais celle-ci bute sur le faible niveau des connaissances du sujet par les décideurs français. Il est urgent de créer des MBA systèmes d’information et compléter les cursus des grandes écoles d’ingénieurs, d’administration et de commerce.
10.  Mettre en place des dispositifs d’assistance stratégique pour aider les entreprises à réussir leur transformation numérique. Tous les dirigeants savent qu’il faut s’y mettre sans cela le risque d’uberisation est là. Mais il faut le reconnaître, au-delà des annonces, les cas de succès sont rares en France. Il est urgent d’inciter les entreprises à progresser dans ce domaine.
Il serait pour cela que les différents partenaires concernés comme les entreprises, le gouvernement, les universités, les banques, … mettent en place une « feuille de route » sérieuse qui permettent de développer réellement le secteur de l’économie numérique. Faute de quoi la France risque de continuer à être classé au-delà du 20ème rang et la menace du déclin dans ce domaine stratégique restera ce qu’elle est.




[1] - Ce post est le 5ème consacré aux rapports Global Information Technology du World Economic Forum. Les 4 premiers ont été :
[2] - Certaines valeurs mesurées par le World Economic Forum sont assez curieuses. Ainsi le taux de l’impôt sur les bénéfices est estimé à 62,7 % des profits ce qui fait que la France est classée en 124ème position alors qu’il est de 33,3 %. La France serait alors positionnée en 54ème position aux côtés de la Grande Bretagne. De même l’indicateur prenant en compte le tarif des communications mobiles prépayées à la minute est évalué à 0,48 dollar la minute soit 0,44 euro. Or le tarif d’Orange est compris entre 0,28 et 0,33 euro. Au lieu d’être en 121ème position la France serait entre en 85ème position. Bizarre, bizarre.
[3] - Je considère comme faible et pénalisants les items qui placent un pays au-delà de la 40ème position.